Par Heithem Barouni*

Les jeunes tunisiens diplômés en pharmacie souffrent. Ils sont bien nombreux et vivent marginalisés depuis de longues années.
Aujourd’hui encore, ils sont en situation précaire, instable, guettés au jour au jour par le spectre du chômage, eux et leurs familles, lorsqu’ils ont l’audace de créer un foyer, sans être sûrs de pouvoir soutenir financièrement une telle « entreprise ».
Les jeunes en attente d’une autorisation pour l’ouverture d’une officine sont, actuellement, plus de 4500, auxquels s’ajoutent annuellement près de 350 candidats. Ils sont pratiquement marginalisés et ne sont pas pris en compte par les autorités concernées. Ils attendent indéfiniment, de pouvoir exercer l’emploi auquel ils ont été formés et auquel ils sont normalement destinés.
Ils attendent… ils attendent que les responsables, à tous les niveaux, prennent réellement conscience du problème et entreprennent de faire bouger les choses.

Cela concerne les responsables du ministère de la Santé en premier lieu, dont le rôle et le devoir consistent à créer les conditions normales d’emploi de leurs administrés. Cela concerne également les représentants successifs de la profession au sein de l’Ordre des pharmaciens, dont la mission n’est pas seulement de préserver « les droits acquis » des pharmaciens en situation mais ils sont, également, en charge de protéger l’ensemble du secteur, notamment les jeunes diplômés en quête d’officine.

Cela concerne encore les responsables de la formation académique des futurs pharmaciens et qui, la situation étant ce qu’elle est, contribuent à produire des chômeurs en puissance. On peut même se demander si l’unique et prestigieuse Faculté de pharmacie du pays a encore une quelconque utilité pour le secteur des officines ?! A ces diplômés s’ajoutent presque autant de diplômés qui ont étudié dans des universités étrangères.

La question concerne aussi, essentiellement, les autorités politiques (membres du gouvernement et élus du peuple) qui se doivent de résoudre l’un des problèmes cruciaux du secteur de la santé et qui laissent s’accumuler le nombre de « chômeurs diplômés ».
Pour saisir l’ampleur du problème, citons à partir d’une approche comparative quelques chiffres significatifs. En France, on compte une officine pour 2500 habitants. En Algérie, une officine pour 3300 habitants alors que notre chère patrie, la Tunisie, se distingue par une seule officine pour 5200 habitants ! Retenons ce chiffre.

L’ouverture des officines par le biais du listing de l’ordre se fait donc au « compte-gouttes ».
Outre la possibilité d’hériter d’une officine paternelle ou maternelle, ce qui constitue un obstacle de plus sur le chemin des jeunes pharmaciens, ils convient de mentionner le droit d’acquérir une officine moyennant des sommes considérables. L’opération en elle-même est certes prévue par la loi, mais elle est bien discutable du point de vue de sa légitimité, sachant que c’est le critère de « richesse parentale » qui se substitue à celui de la préséance.

A cet égard, et à ce niveau de réflexion, il importe de cibler un élément déterminant, à savoir la loi du 3 août 1973. Cette vieille loi, bien que révisée à plusieurs reprises, ne répond plus à la situation actuelle. Elle constitue la principale source de l’attentisme tant décrié.

Les jeunes pharmaciens diplômés attendent depuis tant d’années qu’ils commencent à ne plus être si jeunes. Les nouveaux inscrits sur listes d’attente ont tristement calculé qu’ils attendront plus de 200 ans pour accéder à l’autorisation tant attendue !

L’accumulation des listes « éternelles » s’ajoutant à la vente libre des pharmacies en tant que fonds de commerce ont crée un système d’ouverture des officines hybride et injuste. N’est-ce pas un système déraisonnable, ridicule, absurde, inacceptable et certainement révoltant pour les plus lésés….

Certains jeunes parlent de situation scandaleuse. D’autres, désabusés et désespérés, n’y croient plus, et relient la question au contexte de corruption généralisé, instauré dans le pays. Beaucoup, parmi eux attendent une autorisation qui ne viendra jamais, tout comme « Godot » personnage de la célèbre pièce de théâtre du dramaturge Samuel Beckett, « En attendant Godot …. ».
En ce qui me concerne, modéré et compréhensif, gardant quelque espoir, je me contenterai de dénoncer une « mauvaise loi » qu’il est éminemment urgent de réviser. Je pense, aussi, qu’il est, aujourd’hui, permis de pouvoir compter sur l’extrême « bonne volonté » de ceux qui président à la gouvernance du pays, épris de justice et décidés sérieusement à réformer, en vue d’instituer les bonnes règles…
*Heithem Barouni : Pharmacien, Membre fondateur de l’Association des jeunes pharmaciens tunisiens

Source : Busines News

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